Plus que jamais, l’enseignement universitaire médical et de santé se doit d’être engagé dans les « immenses enjeux du Monde ». En mettant en avant les valeurs essentielles d’altruisme et de respect, comme le souligne le Pr Jean Sibilia, Doyen de la Faculté de médecine de Strasbourg, ville hôte du Congrès international du RIFRESS1.
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La responsabilité sociale est un des objectifs lancés par le RIFRESS (Réseau international francophone pour la Responsabilité sociale en santé). À travers le monde, chacun doit prendre conscience « des grands changements mettant à l’épreuve nos systèmes de santé », selon Charles Boelen, le Président du RIFRESS. Les facteurs économiques, démographiques, socio-culturels, politiques et environnementaux influencent profondément les organisations de santé, partout dans le monde.
L’université médicale est un lieu de réflexion et d’actions multidisciplinaires, dans laquelle des jeunes citoyens se forment à des pratiques professionnelles essentielles et porteuses d‘avenir pour le plus grand nombre.
Aussi, l’engagement humaniste et la quête du bien commun doivent être des moteurs de l’enseignement universitaire, pour le présent et l’avenir. « La science est ouverte et elle doit respecter le patient et la vie » pour le Président de l’Université de Strasbourg, le Pr Michel Deneken. Pour le Pr Benoit Véber, Président de la conférence des doyens de médecine : « Tous les étudiants étudiantes doivent pouvoir apprendre quelles que soient leurs religions, couleurs de peau et choix sexuels ».
Un engagement international puissant autour de valeurs partagées
La responsabilité sociale en santé consiste à prendre conscience des déterminants et des besoins prioritaires de santé, actuels et futurs, de la population. Il s’agit par des approches originales d’y répondre en intégrant des valeurs de qualité, d’équité, de pertinence et d‘efficience, comme le souligne le Pr Mohamed Adnaoui, président de la CIDMEF (Conférence Internationale des Doyens des Facultés de Médecine d’Expression Française).
La démarche de responsabilité sociale s’intéresse à la personne affectée par un problème de santé en tenant compte de son contexte de vie. Elle doit viser à apporter les meilleurs services à l’ensemble de la population. Mais il s’agit aussi de prendre conscience de l’influence qu’exercent sur la santé les différents déterminants de nature politique, économique, culturelle, sociale et environnementale.
Enfin, il convient de chercher à tirer le meilleur usage des ressources matérielles, financières et humaines mobilisées pour la santé et le bien-être d’une personne et de la société.
Les nombreux défis de notre temps
Citons quelques enjeux principaux auxquels doivent faire face les soignants :
- La fragmentation des savoirs et des pratiques en relation avec les phénomènes d’hyperspécialisation qui guident les acquisitions de connaissances dans les facultés de médecine et « nous éloignent des besoins généraux des citoyens et de la société »
- L’individualisme et la surconsommation des biens et services conduisant à « une utilisation erratique des ressources » locales et planétaires »
- L’expansion démographique et les migrations mais aussi le développement des pathologies du grand âge et des comorbidités chroniques qui appellent de nouvelles formes d ‘organisation des systèmes de santé
- Une information insuffisante et mal faite qui trompe les malades et les populations sur les comportements validés de santé, les bonnes pratiques de prévention et de dépistage
De manière concrète, lors du congrès de Strasbourg, il s’est agi de définir des objectifs généraux qui s’imposent aux universités de santé, et de les illustrer par des exemples concrets présentés au travers de plusieurs dizaines d‘ateliers.
Citons, sans être exhaustif des ateliers très différents, issus des quatre coins du monde : la mise en avant de la médecine de famille au Canada ; les sujets très actuels d‘éco-responsabilité ; les questions éthiques liées à la fin de vie, un contrat local de santé en France ; plusieurs actions sociales originales en Afrique de l’Ouest, en Algérie, au Maroc ou en Lorraine ; des programmes de e-learning en matière d‘hygiène hospitalière au Maroc ; la mise en place de programmes de repérage précoce sur le mésusage de l’alcool en Belgique…
Rappeler les obligation morales, éthiques et déontologiques des médecins et des soignants
Enfin, la Conférence des doyens de Médecine, dans le cadre de la lutte contre toutes les formes de violences, contre le racisme et l’antisémitisme a organisé, à l’occasion du Congrès du RIFRESS et de la CIDMEF, une visite au camp de concentration du Struthof qui fut le lieu tragique d’expérimentations médicales lors de la 2 ième guerre mondiale et du nazisme.
Au sein de la « Reichuniversität », en lieu et place de l’Université de Strasbourg, se sont mêlés victimes et bourreaux qui furent aussi des soignants, des médecins et des enseignants. Il est bien de se rappeler, avec le Dr Thierry Roos, Vice-président du Consistoire israélite du Bas-Rhin, évoquant la tragédie des 86 victimes juives de la médecine nazie que « derrière la pièce scientifique, il y a toujours un être humain avec son histoire ».
Il faut refuser cette « zone noire de l’espèce humaine, celle qui tue au lieu de soigner, celle qui au nom de la science s’affranchit de toute morale, de tout scrupule et de tout serment », pour reprendre les termes de Robert Steegmann, Président du Conseil scientifique du CERD (Centre européen du résistant déporté). A cette occasion, il a été présenté le livre La Médecine nazie contre l’Humanité2, co-écrit par six historiens universitaires français et allemands, qui analyse les expérimentations médicales au camp de concentration de Natzweiler-Struthof. Essentiel et toujours d’actualité.
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