Entretien avec le Pr Suzy Duflo, Doyenne de la faculté de Santé des Antilles
Quelle est la situation universitaire et médicale aux Antilles ?
Comme je suis souvent amenée à le dire, il n’y a pas de CHU sans une université avec une composante médicale et pas de faculté de médecine sans un hôpital universitaire. Les deux sont étroitement liés avec la particularité que l’UFR santé des Antilles est unique pour les trois territoires Guadeloupe, Martinique et Guyane qui possèdent respectivement un CHU pour les deux premiers et un CH bientôt CHU pour le dernier.
Nous avons à prendre en charge des patients présentant des pathologies identiques à celles du territoire hexagonal avec des réalités épidémiologiques particulières sous nos latitudes (diabète, HTA, obésité, cancer de la prostate …). Le plateau technique médical est correctement doté pour une prise en charge optimale dans la plupart des pathologies.
Ainsi, nous pouvons considérer que quasiment chaque spécialité médicale a un enseignant universitaire sur un ou l’autre des trois territoires. Actuellement, les pôles dont l’épidémiologie le justifie peuvent faire l’objet d’un renforcement universitaire nécessaire à notre développement.
Nos relations avec nos collègues de l’hexagone sont fortes et naturelles malgré la distance, qui par moment peut être une source de difficultés pour les patients comme pour les médecins.
La situation de Cayenne et de ses hôpitaux présente encore plus de spécificités compte tenu de sa proximité avec le Brésil et de son caractère continental.
Les évolutions de formation récentes apparaissent importantes. Comment les abordez-vous ?
Toutes ces évolutions ont été progressives avec un temps de latence relativement important (15 ans) pour la mise en place du dernier maillon de la chaîne à savoir le 2ème cycle des études médicales dans les trois territoires des Antilles et de la Guyane. Ce dernier a fait l’objet d’une mission d’inspection générale en 2021. Son rapport a fortement recommandé et soutenu la demande faite aux deux ministères concernés de répondre positivement à l’ouverture, à la rentrée universitaire 2023, d’une formation faisant de l’UFR de Santé de l’université des Antilles une faculté de médecine de plein exercice.
En effet, cette évolution universitaire est importante et marque une forme de finalisation d’un processus engagé depuis la fin des années 80 qui instaurait le 3e cycle aux Antilles, puis la première année des études médicales en 1998, puis le premier cycle en 2008 et 2009.
Cet aboutissement est le résultat d’un travail long et important initié et suivi par tous les doyens de l’UFR successivement, et dont la réalisation n’a pu se faire que grâce au travail des équipes d’enseignants et d’administratifs sans relâche ces 2 dernières années.
Actuellement nous avons 142 étudiants en 4ème année avec une ouverture des 5ème et 6ème année en 2024 et 2025. Nos étudiants présenteront l’EDNi(1) en octobre 2025 et les ECOS(2) en 2026. Le challenge est important et nous les accompagnons au quotidien.
Cette évolution se fait aussi pour la Guyane qui a son propre Numerus Apertus pour les PASS/LAS et qui depuis cette année 2023 gère en collaboration avec l’UFR Santé des Antilles le DFGSM1(3) sur le site de Cayenne. Il s’agit d’une co-accréditation, même si nos collègues enseignants en Guyane sont rattachés au corps universitaire des Antilles.
Aujourd’hui, nous proposons 43 DES(4) sur 44 et les stages sont réalisables sur les trois territoires.
Pour leur part, les hôpitaux sont en pleine restructuration. Avec la construction d’un nouvel hôpital en Guadeloupe qui sera livré fin 2024 et d’un campus universitaire à proximité. Pour la Martinique le campus est en cours de finalisation et en Guyane, aussi bien pour le CHU que pour l’université, les éléments structurels sont en cours.
Au final, notre faculté comprend 1000 étudiants environ de la 2e à la 6e année avec 180 internes de médecine générale et 90 internes en spécialités chaque année. Notre équipe enseignante est de 45 PUPH et 20 MCUPH.
Quelles spécificités retenir ?
En raison de nos situations géographiques, nous avons au cours de ces dernières années développé une médecine territoriale avec une mobilité forte de nos étudiants dans nos trois territoires, mais aussi dans l’hexagone et ce durant l’ensemble de leur cursus.
Ceci n’est possible que grâce à l’utilisation du numérique à toutes les étapes, indispensable à notre bon fonctionnement. Le but étant de permettre une prise en charge homogène des patients sur l’ensemble des territoires et d’assurer une formation de qualité à nos étudiants qui ainsi acquièrent tout au long de leurs études une ouverture d’esprit intéressante.
Nous avons de plus des conventions avec le Canada et les États-Unis, ce qui permet une vraie visibilité d’une médecine à la française compétente dans le bassin caribéen et le continent sud-américain. Tout cela contribue à nous rendre très moderne, magnétique et attractif.
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