Alors qu’un rapport vient d’être remis aux ministres de la Santé et de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche sur le projet d’une quatrième année de formation en Médecine Générale, la Conférence des Doyennes et des Doyens des Facultés de Médecine affirme son soutien à la Réforme mais souligne son opposition au paiement à l’acte de ces internes lors de l’exercice libéral.
Explications.
Communiqué du 26 février 2025
En synthèse
La CDD soutient la mise en place d’un DES de médecine générale en quatre ans.
La CDD est opposée à l’introduction d’une rémunération à l’acte pour les étudiants, et cela quelle que soit la spécialité.
La CDD considère que cette éventuelle mesure est contraire à l’éthique pédagogique et introduit un double conflit d’intérêt :
L’un vis-à-vis de l’interne en introduisant une pression liée au nombre de consultations et ou d’actes dans le cadre de sa formation.
L’autre vis-à-vis du maître de stage universitaire : la CDD est formellement opposée à ce que la rémunération d’un enseignant puisse dépendre du volume d’activité d’un étudiant.
Explications complètes
L’ajout d’une quatrième année au Diplôme d’Études Spécialisées (DES) de Médecine Générale, dont l’intérêt pédagogique a été salué par les Doyens, a fait l’objet d’une annonce officielle en juin 2022. Une nouvelle maquette de formation a été publiée au Journal officiel le 9 août 2023. La première promotion d’étudiants bénéficiant de la mise en place de cette quatrième année de formation (phase de consolidation) sera affectée à des stages de « Docteur Junior de Médecine Générale » à partir de novembre 2026.
Un rapport récent, demandé dans le cadre d’une mission intitulée « Accompagnement et suivi de la mise en œuvre de la quatrième année de formation du DES de médecine générale »1, a été publié en Janvier 2025.
En marge de ce rapport et en désaccord avec celui-ci sur la question de la rémunération à l’acte, la CDD tient à réaffirmer quelques principes fondamentaux qui doivent guider la mise en place de cette réforme.
Vigilance sur les moyens alloués à la réforme
Les auteurs du rapport recommandent plusieurs mesures pour assurer le succès de la création de cette 4e année dite « professionnalisante » de Médecine Générale : recrutement et formation de Maitres de Stage Universitaires en nombre suffisant, nomination d’enseignants de Médecine Générale, renforcement des scolarités des UFR de médecine ou de santé.
Les Doyens souscrivent à ces recommandations et seront particulièrement attentifs à ces allocations de moyens indispensables à la qualité de la formation de ces futurs médecins.
Inégalité de rémunération et iniquité de traitement entre les internes
Les auteurs du rapport proposent une rémunération des Docteurs Juniors (DJ) de Médecine Générale comportant une part variable correspondant à une rétrocession sur honoraires perçus, en préconisant que le pourcentage de rétrocession soit de 25 % avec un plancher à 10 actes par jour et un plafond à 25 actes par jour.
L’argument pédagogique mis en avant d’apprentissage du fonctionnement d’un cabinet médical qui sous tend cette proposition ne justifie pas cette rémunération à l’acte. En effet, la découverte de l’exercice médical ambulatoire est un objectif de la « phase de consolidation » dans de nombreuses autres spécialités, sans que cela fasse l’objet d’une rémunération à l’acte.
Une telle proposition, si elle était acceptée, entrainerait une inégalité de rémunération entre les DJ de Médecine Générale en stage en exercice libéral et les DJ de Médecine Générale en stage en exercice salarié, alors que ces derniers constituent jusqu’à 40 % de l’offre de stages dans certaines subdivisions. En effet, l’exercice salarié de la Médecine Générale est très diversifié avec la possibilité de stages en Centres de Santé, en services de prévention, en PMI, en santé scolaire, en santé publique, dans les hôpitaux publics…
Une telle proposition menace également de déséquilibrer l’ensemble du système de formation en troisième cycle des étudiants en médecine. En effet, cette iniquité de traitement entre les DJ de Médecine Générale et les DJ des autres spécialités entrainera une demande légitime de ces derniers de bénéficier des mêmes conditions de rémunération que les DJ de Médecine Générale. Une telle évolution risque de favoriser la demande de stages en exercice libéral au détriment des stages en milieu hospitalier, mettant en difficulté les CHU et les CH qui accueillent un grand nombre de DJ en formation toutes spécialités confondues.
Risque de retentissement direct sur le post-internat
Enfin, cette proposition risque d’aggraver les difficultés de recrutement sur les postes d’assistants ou de CCA/AHU en milieu hospitalier dont les conditions de rémunération sont actuellement peu attractives et qui devront être revalorisés pour être pourvus. Dans certains cas, cette proposition pourrait également conduire à une rémunération supérieure pour ces DJ en exercice libéral à celle des médecins hospitaliers en début de carrière.
Considérations éthiques
Jusqu’ici, dans les études de médecine, l’Etat a toujours garanti l’équité de traitement et de rémunération des étudiants en médecine, notamment pour qu’ils ne soient pas influencés dans leurs choix professionnels. La mesure proposée constitue donc une brèche éthique sans précédent dans la formation de nos futurs médecins.
Par ailleurs, ayant interrogé le Comité consultatif national d’éthique1, avec lui, nous pensons qu’il ne peut y avoir de « collusion entre le temps de la formation et celui de l’exercice professionnel de la médecine ». Un étudiant, en quatrième année en phase de consolidation, appelé « docteur Junior », reste un étudiant interne. A ce titre, il bénéficie d’une rémunération forfaitaire. Les étudiants internes ne peuvent être considérés comme des professionnels libéraux, même lorsque leur stage de formation se déroule en milieu libéral.
Enfin, en formation, la responsabilité de l’acte n’est pas celle de l’étudiant mais celle de son maître de stage. « En application de l’article R. 6153–3 du code de la santé publique, l’interne exerce ses fonctions par délégation et sous la responsabilité du praticien dont il relève ». Et cette situation semble difficilement compatible avec la rémunération à l’acte.
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